UNE JOURNEE AU MEMORIAL DE LA SHOAH à PARIS

Publié le 8 Mars 2016

UNE JOURNEE AU MEMORIAL DE LA SHOAH à PARIS

Ce mercredi 2 mars, nous sommes 27 à prendre le train en direction de Paris pour une journée bien chargée.

Au programme : la visite du mémorial de la shoah qui se trouve dans le marais, la partie de Paris qui fut un temps un lieu privilégié des communautés juives, et l’après midi , la rencontre tant attendue avec Milo ADENER, un ancien déporté d’Auschwitz, et ancien élève d’une école du marais qui nous intéresse tout particulièrement.

Le mur des justes

Avant la visite guidée, nous découvrons sur le mur extérieur du mémorial des plaques gravées d’une multitude de noms.

Ces noms, au nombre de 3400, sont ceux d’hommes et femmes de France, non juifs, qui, au péril de leur vie, ont contribué au sauvetage de Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces personnes ont reçu le titre de "Juste parmi les Nations", décerné par le Musée Mémorial de Yad Vashem à Jérusalum depuis 1963. À ce jour, plus de 24 000 personnes dans le monde ont reçu cette distinction.

On sait que beaucoup d’autres sont restés dans l’anonymat ou n’ont pas désiré recevoir ni ce titre, ni la médaille qui allait avec, car :« ma foi, on n’a pas fait grand-chose et on ne pouvait pas faire moins : Ces gens, peut-être qu’ils avaient des habitudes différentes des nôtres, mais ils avaient bien deux bras et deux jambes et une tête, et ça, c’était bien comme nous . Alors, qu’est ce qu’on leur cherchait des poux dans la tête, hein ?» (christian SIGNOL « les enfants des justes »)

Nous y avons repéré le nom de Joseph Migneret, directeur de l’école les hospitalières Saint Gervais ( la fameuse école qui nous intéresse) dont nous aurons l’occasion de reparler plus loin.

Si nous avions été un peu plus assidus, nous aurions découvert que 10 hommes et 14 femmes de l’Oise avaient été honorés de ce titre.

En cherchant encore un peu plus, on apprend dans un article de l’humanité du 16 aout 1994 que La famille de Madeleine Rozenberg, celle-ci étant alors agée de 11 ans, a été protégée par la famille Herault de MONTS (à coté de MONNEVILLE ) et aidée par l’institutueur et secrétaire de mairie M Domiol, qui leur a fournit les cartes d’alimentation. (témoignage de Madeleine Rozenberg)

« En août 1944, je me trouvais cachée dans le village de Monts, dans l'Oise. J'avais onze ans. Petite fille juive, j'étais traquée par la police française et les Allemands, avec mes parents et mon frère. Heureusement, il y eut de braves gens, M. et Mme Hérault, qui nous ont cachés pendant deux ans. L'instituteur du village, M. Dorniol, qui était aussi secrétaire de la mairie, a volé des cartes d'alimentation pour les mettre au nom de François: notre nom, Rozenberg, était trop compromettant! Un dimanche, à la fin d'août, nous avons vu de notre fenêtre les troupes allemandes qui fuyaient la tête basse. Ils ne martelaient plus les rues de leurs bottes. L'après-midi, nous avons entendu des tirs de mitrailleuse. Mon père, qui était sorti, est revenu en courant: «Les Allemands reviennent.» Ce n'étaient pas les Allemands mais les Américains avec leurs casques à filet. Jamais je n'oublierai le premier Américain debout sur son char. Il portait une étoile de David à son cou. Les Américains nous ont distribué du chocolat, dont nous avions oublié le goût, des chewing-gums, des cigarettes. J'aurais voulu leur dire ma reconnaissance, mais je ne connaissais pas leur langue: c'est pour cette raison que je suis devenue professeur d'anglais. Vous ne pouvez imaginer notre joie, après nous être cachés durant toutes ces années sans savoir si nous allions nous réveiller vivants le lendemain. Nous étions enfin libres, nous étions redevenus des êtres humains après avoir été, selon la doctrine de Hitler, des «untermenschen», c'est-à-dire des sous-hommes. Plus tard, nous avons appris que toute notre famille avait été déportée à Auschwitz d'où personne n'est revenu. ».

La famille Herault fait-elle partie de ces familles qui n’ont pas souhaité être désignés « justes parmi les nations ?

UNE JOURNEE AU MEMORIAL DE LA SHOAH à PARIS

Le mur des inscriptions

Sur le bâtiment du mémorial, orné de l’étoile de David, sont gravés des phrases en hébreux et en Français.

Jean Pierre PETIT, spécialiste de l’hébreu de notre groupe, nous invite à lever le nez pour découvrir ensemble les écritures. : En haut, un texte en hébreux, et juste en dessous, une phrase en Français : nous en déduisons un peu vite qu’il s’agit de la traduction en français de la phrase en Hébreu… Il n’en est rien.

Patiemment, à l’aide de ce pédagogue qui retrouve avec aisance ses reflexes d’enseignant, nous essayons de déchiffrer, en partant de la droite vers la gauche ces signes aux multiples interprétations possibles.

-« sou-viens-toi de ce que a fait à toi l’Amalech de nos jours qui a ex-ter-mi-né le corps et l’âme de six cents my-riades de fils d’Is-raël en-fants et femmes sans la guerre »…

-Pfff, ça se dit pas : « ce que a fait à toi » !! s’exclame un premier

-C’est un code secret ou quoi ? demande un second

-C’est quoi, l’Amalech ? demande un troisième

-D’après la bible, nous précise Jean-Pierre, Amalek et les Amalécites étaient des ennemis des Hebreux (ancêtres des juifs), au temps ou ils vivaient dans le désert après s’être enfuis d’Egypte sous la conduite de Moïse , les empêchant de circuler librement.

-Et Six Cents Myriades de fils d’Israel ? Ca veut dire six cents millions de juifs?

-Non ,Non, cent myriades représentent 1 million , donc…. ?

-Donc six cents Myriades est égal à 6 millions de juifs : Ah, mais, c’est pas le nombre de juifs tués pendant la seconde guerre mondiale, ça ????

-Exactement ! donc, ce texte en hebreu se rapporte à l’extermination des juifs pendant la seconde guerre mondiale

-Donc l’Amalech veut dire Nazi , alors ? L’ennemi des juifs du XXème siècle qui empêche les juifs de circuler librement….

-Tout à fait. Et maintenant, regardez bien la fin .

-« Enfants et femmes… sans la guerre… »

-Normalement, quand il y a une guerre, qui est tué ?

-Ben plutôt les soldats…

-Oui, les soldats, pas les femmes et les enfants, sauf en cas de bombardement, mais dans ce cas, c’est un accident : on n’a pas vraiment voulu leur mort. Alors que là, la guerre était finie, je veux dire, la guerre militaire.

La, c’est tous les juifs qu’on cherchait à tuer : les hommes, les femmes et les enfants, non pas pour conquérir un pays, mais dans le but d’exterminer un peuple, le peuple juif : c’est ce qu’on a appelé après coup un génocide.

-Enfin, regardez bien les 3 derniers signes de la première ligne à gauche : ils signifient ici « corps » et, voyez, ils sont dessinés comme des fouets. Ces fouets rappellent le temps de l’esclavage en Egypte. Leur corps a été réduit en esclavage: Leur corps, pas leur âme, même si le régime nazi a cherché également à l’exterminer.

Et vous voyez, du coup, que le texte en français n’a rien à voir : " Devant le Martyr Juif Inconnu incline ton respect ta piété pour tous les martyrs, chemine en pensée avec eux le long de leur voie douloureuse, elle te conduira au plus haut sommet de justice et de vérité."
C’est à Justin Godard, Ancien ministre, Président d'honneur du Comité du Martyr Juif Inconnu, que l’on doit cette inscription.

Enfin, au niveau de l’étoile de David, une inscription de nouveau en Hebreu qui est si difficilement traduisible qu’on n’en trouve trace nulle part.

Le professeur d’Hebreu de Jean-Pierre a lui-même été bien en peine d’en faire une traduction compréhensible : Sur les 4 mots, 1 n’existe pas en hébreu.

Il résulte de son travail la traduction suivante :

« errant, tu ne déporteras pas »,

dont la signification reste un mystère et échappe sans doute aux non initiés…

Nous en appelons donc aux internautes érudits pour nous éclairer sur cette inscription…

UNE JOURNEE AU MEMORIAL DE LA SHOAH à PARIS

Des symboles forts

Un cylindre de Bronze

Dans la cour du mémorial trône un immense cylindre de bronze verdâtre, sur lequel sont inscrits en reliefs des noms : AUSCHWITZ-BIRKENAU, BELZEC, BERGEN-BERGEN, BUCHENWALT, CHELMO, DACHAU, MAJDANEK ; MAUTHAUSEN, SOBIBOR, STRUTHOF, TREBLINKA et GHETTO DE VARSOVIE.

Alors, nous, on connait AUCHWITZ-BIRKENAU, parce que c’est là bas qu’on va en Avril, et puis aussi le Ghetto de Varsovie, et aussi DACHAU, mais il y en a dont on n’a jamais entendu parler : CHELMO, MAUTHAUSEN…

On se doute que ce sont des camps de concentration et d’extermination et non des camps de transit, car il n’y a pas Compiègne, Drancy, Pithiviers ou Beaune la Rolande.

On regarde sur la carte de l’Europe occupée et on voit que l’ensemble des camps d’extermination se trouve en Pologne, et beaucoup de camps de concentration se trouvent en Allemagne.

On se demande donc si ce cylindre est une immense urne pour contenir toutes les cendres des juifs exterminés dans les camps d’extermination inscrits. Ou alors le haut d’une cheminée. On aura la réponse en descendant dans la crypte.

Autre symbole : L’étoile de David, accrochée fièrement sur le fronton du mémorial. L’étoile de David est composée de deux triangles qui se chevauchent, leur base à l’horizontal, l’un avec le sommet dirigé vers le ciel, l’autre avec le sommet dirigé vers la terre. C’est donc une étoile à 6 branches, qui selon certaines interprétations, représenteraient les 6 jours de la semaine, le 7ème jour, celui du repos divin (le shabbat) étant symbolisé par le centre de l’étoile.

Cette étoile se traduit par « Bouclier » en hebreu et évoque le bouclier du Roi David, deuxième Roi d’Israël, au Xème siècle avant JC, présenté dans la bible comme le l’un des deux fondateurs de l’ancien état Israélite, avec son fils Salomon. Ce Roi a combattu pour vaincre les ennemis d’Irsael et fonder un vaste royaume qui s'étend des frontières de l'Égypte jusqu'à l'Euphrate, ouvrant ainsi une ère de prospérité et de paix pour Israël

UNE JOURNEE AU MEMORIAL DE LA SHOAH à PARIS

Le mur des noms :

On le sait pourtant qu’il y a 6 millions de juifs qui ont été exterminés par le programme nazi. On sait aussi que, sur les 330000 juifs vivant en France en 1940, 76000 sont partis de France vers les camps d’extermination, soit 25% de la population juive et que moins de 2000 en sont revenus.

Pour autant, se retrouver devant ces murs de noms des juifs partis en déportation donne le vertige. On s’arrête, comme figés, puis on avance lentement entre ces murs gravés et on constate que les LEVY prennent la moitié d’un bloc, que les ROSENBERG, les GOLDMAN, les SCHMIDT sont si nombreux qu’ils représentent à eux seuls l’équivalent d’un de nos villages.

On glisse notre main sur les noms gravés, notre doigt suit la courbe des lettres, et la shoah s’habille de réalité : la shoah, c’est cette catastrophe qui a fauché des Sarah, des Jules, des Nathanael, des Joseph, des Simone, des Rolande, des Rose et des Juliette pour les réduire en cendre. Pour les réduire au néant, pour faire croire au monde qu’ils n’ont jamais existé.

Sans le travail gigantesque de quelques irréductibles qui ont consacré leur vie à redonner un nom aux victimes de la SHOAH, et l’on rend hommage ici à Serge Klarsfeld, nous ne serions pas là aujourd’hui, à toucher ce mur qui rend visible ce que les nazis ont tenté de rendre invisible.

Notre travail d’appropriation commence alors : nous sortons de notre sac la liste des enfants du convoi 48 (151 noms sur 3 pages) et nous nous organisons pour repérer le nom de chaque enfant sur le mur.

Dans la famille ARM, je demande Berthe, 15 ans , Charles et Jeannine, des jumeaux de 10 ans, Daniel, 5 ans , Marcel, 14 ans et enfin Paulette, 12 ans et probablement leur deux parents Mindla et Mendel Szmul.

Dans la famille FANCHEL, je demande, Claude, 17 ans, Fernand, 11 ans, Maurice, 15 ans, Raymonde, 6 mois, Roland, 5 ans, Suzy, 3 ans. Leur maman a été déportée par le convoi précédent, et leur papa sera déporté en septembre suivant. Détenus seuls à Drançy, dans les bâtiments différents, puis déportés sans personne pour les rassurer, les consoler….

Dans la famille LEVY, je demande Alice, 10 ans, Raymond, 16 ans, Raymond, 6 ans, Simone, 17 ans et Suzanne, 2 ans….

Et puis, nous cherchons Rose LOWENBRAUN : elle n’est pas à sa place… Son nom ayant été mal orthographié, il a été effacé et regravé plus loin, en bout de mur.

Nous recherchons également l’année de déportation des grands parents de Marigold et nous mettons le doigt dessus : Germaine et Emile LAPIDUS. Nous notons des discordances de date entre la liste et les inscriptions du mur : nous les notons et allons vérifier dans la base de données.

Enfin, à la fin de la visite guidée, nous arriverons dans la salle du mémorial des enfants, tapissée de près de 3000 photos d’enfants collectées principalement par Serge Klarsfeld.
Celles-ci permettent de mettre un visage sur les noms du mur. Moment aux émotions partagées, certains se montrant pressés de voir si parmi les noms repérés sur le mur, il y a des photos correspondantes, d’autres étant gênés de devenir si proches des victimes, souvent de leur âge, en mettant un visage sur un drame collectif et personnel. Ces photos de famille, banales quand tout va bien, prennent une dimension à la limite du sordide quand on sait que ces garçons et filles, si semblables aux jeunes d’aujourd’hui, abstraction faite de la mode vestimentaire, semblaient pleins de vie de d’insouciance.

Rédigé par Memoires&eMotions

Publié dans #PROJET

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